Jeux d'argent en ligne pourquoi sont ils interdits en france
La tentation est forte pour les accros du jeu en ligne. Mais, la loi vient rappeler que le hasard et l’argent ne font pas bon ménage sur Internet.
Poker, blackjack, paris sportifs... Le gouvernement les a rendus illégaux dans son projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (le décret d'application la rendra bientôt définitive).
Une mesure pour, dit-on, protéger l’internaute. «Le jeu n’est pas une activité comme les autres et comporte, par nature, un certain nombre de risques : il est un vecteur privilégié pour le développement de la fraude ainsi que du blanchiment d’argent et il peut provoquer des phénomènes d’addiction chez les personnes les plus fragiles » met en garde le gouvernement.
Une mesure pour « garantir un contrôle des flux financiers et favoriser une pratique du jeu raisonnée ». Et, au passage, conserver le monopole du jeu réparti entre le Pari mutuel urbain, le Pari mutuel hippodrome, la Française des jeux (FDJ) et les casinos. Les mamelles bien gonflées du gouvernement : 9.5 milliards d’euros en 2006 rien que pour la FDJ.
S’opposer au gouvernement coûte cher et peut faire l’objet d’enquête des Renseignements généraux. Rappel des faits. Le célèbre casinotier français, Patrick Partouche, propriétaire de près de soixante casinos en Europe, a écopé d’un an de prison avec sursis et de 40 000 euros d’amende pour avoir flirté avec le site de casino en ligne « 770 ».
Les jeux d’argent interdits de publicité. Même Patrick Bruel se sera cassé la voix face aux RG. Pour quelle raison? Publicité frauduleuse. Le site Winamax, comprendre « gagner un maximum », communiquait sur l’image du chanteur, amateur et présentateur d’une émission de poker sur Canal Plus.
La loi l'inscrit depuis peu dans le marbre : «Quiconque aura fait de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur des paris sur les courses de chevaux, de casinos et de jeux de hasard non autorisés est puni de 30 000 euros d'amende.» Dorénavant, les fournisseurs d'accès à Internet devront également signaler à leurs clients la liste des sites prohibés. En clair : tous ceux qui n'émanent pas du PMU ou de la Française des jeux.
Mais il semble qu'avec l'Europe, la France soit en porte-à-faux du libéralisme économique prôné par la Commission européenne.
Ainsi, en Italie, l'arrêt Placanica, pris le 6 mars dernier par la Cour européenne de justice, rendait un jugement contraire à la législation italienne. La Cour confirmait que le jeu n'est pas une activité comme les autres pour rappeler «qu'une loi qui interdit - sous peine de sanctions pénales- l'exercice d'activités dans le secteur des jeux de hasard en l'absence de concession ou d'autorisation de police délivrées par l'Etat, comporte des restrictions à la liberté d'établissement ainsi qu'à la libre prestation des services. » Pour Anne-Marie Pecoraro, avocate spécialisée au sein du cabinet Bignon Lebray et associés, «on assiste à une double tendance : un renforcement de la position étatique et à l'inverse la remise en cause du monopole, par le droit européen. »
Une restriction qui ne peut se justifier qu'au nom de l'intérêt général, de la protection du consommateur. Or, la passion du jeu est très largement suscitée par le PMU et la Française des jeux qui ont leur propres activités en ligne.
Jouer sur un site anglais, est-ce interdit ?
Mais l'interdiction du jeu en ligne renvoie aussi à un problème de juridiction internationale. Si un joueur français se connecte sur un site anglais à quelle législation est-il soumis? Celle de son pays de résidence ou celle du pays où il joue?
C'est toute la difficulté de la loi de trancher. « Le juge peut se déclarer concerné si le site est clairement dirigé vers le public français francophone » explique Anne-Marie Pecoraro. «Il y a beaucoup de sites où le juge ne peut pas se déclarer compétent, pour lesquels il n'est pas en mesure de prouver que le site a vocation à s'adresser au public français. » La langue est donc un indice de l'orientation du site.
En clair, un site traduit en français a plus de chances de pouvoir être appréhendé par le juge français mais un site brésilien ou espagnol sans page francophone ne devrait pas être déclaré hors la loi. Ce que ne dit pas le texte de loi c'est précisément si les joueurs pourront toucher leurs gains sur ces sites. En effet, le projet de loi indique pouvoir interdire « pour une durée renouvelable de six mois, tout mouvement ou transfert de fonds en provenance des personnes physiques ou morales qui organisent des activités de jeux, paris ou loteries prohibés. »
Pour Thibaut Verbiest, avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles, "les sites anglo-saxons ne seront pas repris dans la liste" fournie aux internautes. Les gains ne pourront donc pas être gelés s'ils émanent d'un site étranger sans pages traduites en français. Mais "cette loi est totalement contraire au droit européen." L'avocat considère que le monopole français, qui s'appuie sur les notions d'intérêt général et de protection du consommateur, est indéfendable.
Un monopole qui rapporte finalement peu. "L'Etat français est le croupier le plus agressif de toutes les loteries (grattage et tirage)" dénonce Me Verbiest. L'argumentaire visant la protection du joueur apparaît comme un alibi pour préserver les intérêts du monopole du jeu. La Française des jeux réalise en effet peu plus de 97% de son chiffre d'affaires sur la loterie et seulement 3% sur le pari sportif. Or, les litiges concernent principalement les paris sportifs. "La FDJ fait une pression énorme pour ne pas remettre en cause son monopole" estime l'avocat. De plus la libéralisation du secteur amènerait de l'argent sur le territoire français : les bookmakers feront du sponsoring, paieront pour obtenir des licences, tout cela représente de l'argent pour la France." Un monopole que la FDJ n'est pas prête de céder.
Le 29 mars prochain devait avoir lieu un colloque au Palais du Luxembourg sur le "gambling". Il a été reporté au mois d'octobre. Certaines voix dénoncent déjà "une politique de verrouillage de l’information, destinée à amadouer la Commission Européenne afin de préserver à tout prix les monopoles ludiques
nationaux."
Guirec Gombert.
Publié le 22 mars 2007
Actualisé le 22 mars 2007 : 19h02 source lefigaro.fr