70 personnes ont demandé en 2010 à être interdites de casino en Haute-Garonne. Le casino Barrière a mis en place un programme pour accompagner les joueurs qui présentent des troubles.
Au casino Barrière, sur l'île du Ramier à Toulouse, on ne badine pas avec les joueurs compulsifs. Les clients qui présentent des troubles (ivresse, agressivité, dépenses excessives…) sont repérés et sollicités pour participer à un programme spécifique de « désintoxication ».
« Nous voulons protéger nos clients, explique le directeur du casino Barrière, David Parré. Nous avons formé notre personnel, du croupier à l'agent de sécurité en passant par le barman, à détecter les personnes en difficulté. Si quelqu'un a un problème, il ne va pas le dire dans la salle de jeu. Il se confiera plutôt au bar ou au vestiaire. »
Les joueurs pathologiques sont dirigés vers le programme « Jeu responsable » supervisé par Alice Tafforin, la psychologue clinicienne salariée du casino. Leur cas est examiné une fois par mois par une commission à laquelle prennent part deux psychologues des hôpitaux de Toulouse.
Le casino propose à ces joueurs invétérés diverses formules, du refus des chèques ou de la carte bleue à la limitation volontaire d'accès (LVA), qui fixe à l'avance la fréquence des visites. La commission accompagne un peu moins de trois cents personnes chaque année, dont une trentaine est placée « en observation bienveillante ». La direction peut aller jusqu'à interdire définitivement l'accès de l'établissement à l'un de ses clients. « C'est extrêmement rare, affirme David Parré. Jusqu'ici, ce n'est arrivé qu'une seule fois. » Le casino préfère proposer du jeu à dose homéopathique.
« Le client choisit un certain nombre de visites sur une durée déterminée, précise Alice Tafforin. Ainsi, il n'est pas complètement sevré de jeu. Il peut encore le contrôler. » Selon les experts des addictions, ces programmes d'accompagnement sont loin d'être des gadgets. Ce serait même plus efficace que les demandes d'interdiction déposées auprès des services de police judiciaire, une démarche accomplie par environ 70 personnes en Haute-Garonne, en 2010. « Deux tiers des joueurs qui se font interdire rechutent. En revanche, la surveillance de gré à gré entre le casino et le joueur peut être une solution. Je n'y croyais pas mais ça marche bien. Dès qu'il y a dialogue, il y a régulation de la pratique » observe Pierre Perret, directeur de l'Institut du jeu excessif (IJE).
"PAS DE L'ESBROUFE"
Pour la direction du casino, pas question de tuer le business. « Si un joueur s'endette, il finira par ne plus jouer du tout. Aujourd'hui, les clients de casino se renouvellent moins qu'avant. Il faut les bichonner » considère Jean-Michel Costes, expert auprès de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (ODFT).
« C'est un vrai travail, pas de l'esbroufe », martèle David Parré, reconnaissant toutefois que « développer un chiffre d'affaires, c'est garder un client et pas le perdre ». D'autant que dans un contexte de crise généralisée, le casino Barrière rame depuis son ouverture il y a quatre ans. Malgré une progression de 3 à 5 % de plus par an, son chiffre d'affaires est inférieur de moitié aux prévisions du business plan. Par ailleurs, David Parré peut difficilement compter sur des rois du pétrole ou des stars de cinéma pour faire tourner la boutique : « L'immense majorité de nos clients ont un budget et ne dépensent pas plus. La dépense moyenne est extrêmement faible, de l'ordre de 30 €».
Institut du jeu excessif (IJE) : 0 800 11 33 90. www.infos-jeux-argent.com
Le chiffre : 60
interdits volontaires de casino> En Haute-Garonne entre le 1er janvier et le 25 juillet 2011. Ils étaient 72 l'année dernière dans le département. Ils sont recensés par le service Course et jeu de la police judiciaire. 39 000 personnes sont interdites de casino en France.
fréquentation> Un million de visiteurs par an au casino Barrière. La dépense moyenne est de 30€.
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Courses, casino, jeux à gratter, jeux en ligne… Les addictions au jeu ont explosé. À Toulouse, il existe même deux services spécialisés dans les hôpitaux, à La Grave et Joseph-Ducuing. « Ce sont souvent des patients qui nous sont adressés par leur famille parce qu'ils empruntent de l'argent à tout le monde. Certains dépensent uniquement leur salaire ; d'autres l'argent du ménage. Un jeune homme de 19 ans avait ainsi dilapidé tout son héritage, dépensant 30 000 € en trois mois » explique une addictologue de Ducuing, Francis Saint-Dizier. Une mère raconte : « Mon fils ne pensait plus qu'à jouer. Je lui ai dit : Si tu te fais interdire de casino, je te paie une voiture. Il a accepté. Il continue à jouer aux cartes mais plus pour de l'argent ». À l'Institut du jeu excessif, le directeur, Pierre Perret, conseille plus d'un millier de personnes chaque année, pour l'essentiel des joueurs de casino. « Beaucoup se demandent comment se faire interdire l'accès des casinos ; les autres voudraient que le jeu leur coûte moins cher. En moyenne, ils perdent entre 25 000 et 30 000€. » L'interdiction peut avoir des conséquences négatives : « A la veille de se faire interdire, une vieille dame est allée jouer une dernière fois. Elle a claqué 160 000 € en un mois ». Un ancien joueur repenti se souvient : « Quand j'ai décidé d'arrêter, j'allais au casino une fois par mois plutôt que cinq fois par semaine. Et je perdais encore plus ! Comme je savais que je n'allais pas y retourner de sitôt, je claquais… » Selon Pierre Perret, « le joueur arrive difficilement à faire le deuil de l'argent perdu. Il est toujours sûr de pouvoir se refaire. C'est un véritable engrenage ».
source : www.ladepeche.fr /SÉBASTIEN MARTI