Sotchi va construire des casinos pour concurrencer le tourisme en Crimée
Le président russe Vladimir Poutine a signé une loi portant sur la création d’une zone de jeux d'argent en Crimée. Toutefois, au dernier moment, juste avant la seconde lecture du document par la chambre basse du Parlement russe (la Douma), le texte a été complété d’un paragraphe sur la création d’une autre zone de jeux à Sotchi. L’ancienne capitale des Jeux olympiques cherche ainsi à regagner l’intérêt des investisseurs et éviter de perdre la course aux touristes face à la Crimée.
L’objectif de la zone
Le 22 juillet 2014, le président russe a signé une nouvelle loi portant sur la création de deux nouvelles zones où les jeux d’argent seront autorisés, en Crimée et à Sotchi. Le périmètre de la zone de jeu en Crimée sera défini par les autorités régionales.
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Sergueï Aksenov, qui assure le commandement temporaire de la République de Crimée, récemment rattachée à la Russie par le gouvernement, a déjà annoncé que la zone sera créée sur la côte sud de la Crimée, dans le centre touristique le plus fréquenté, la Grande Yalta. Il a expliqué que la zone de jeux pourrait être conçue par des spécialistes des casinos venant de Macao ou de Los Angeles.
À Sotchi, en revanche, l’emplacement de la zone de jeux sera choisi par le gouvernement. Selon la loi, une telle zone ne peut être créée que dans les secteurs affectés aux installations olympiques dont la construction et le financement n’étaient pas assurés par les caisses de l’État ni par la société publique Olympstroy.
Initialement, l’idée de créer une zone de jeux à Sotchi appartient au dirigeant de la principale banque russe Sberbank de Russie German Gref. La banque contrôle notamment l’un des sites olympiques du pôle montagne, le complexe alpin sportif et touristique Gornaïa Karoussel à Krasnaïa Poliana : une station de ski située à proximité de Sotchi.
C’est ce complexe qui accueillait, pendant la durée des jeux, le « village » de la presse et ses 2658 chambres. German Gref a expliqué que la zone de jeux pourrait permettre aux investisseurs de récupérer les financements investis dans l'organisation des Jeux olympiques.
« Le potentiel touristique de Sotchi serait affaibli si la ville n’était pas inscrite dans le programme de création de zones de jeux », explique le président du Centre des communications stratégiques Dmitri Abzalov. Il explique, par ailleurs, que la Crimée et Sotchi se situeront dans différentes catégories de prix, les stations touristiques sont destinées à des publics différents.
« Le segment grand public est associé à la Crimée, le segment plus cher à Sotchi. Toutefois, pour que les touristes viennent à Sotchi alors qu’ils ont la possibilité de se rendre en Crimée, il faut aussi y créer une zone de jeux », explique l’expert.
Irina Irbitskaïa, directrice du Centre des compétences urbanistes de l'Académie russe d'économie nationale, explique que le rattachement de la Crimée à la Russie a affecté tous les processus à l’intérieur du pays. La Crimée nécessite des investissements, alors que le pays est confronté au déficit de ressources.
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« L’inscription de Sotchi dans le programme de création de zones de jeu me semble être une proposition logique pour la formation d’une station touristique premium sur ce territoire. Si pour la Crimée, c’est avant tout une tentative de soutenir l’économie dévastée, pour Sotchi, il s’agit d’élargir la gamme de services proposés aux visiteurs », explique l’analyste de Finam Investment Company Anna Michoutina.
La note explicative qui accompagne la loi précise que la création de la zone de jeu permettra d’attirer des investissements supplémentaires dans la région, de créer des emplois et d’apporter des moyens supplémentaires à son budget. Les experts estiment que la création de la zone de jeux pourrait apporter jusqu’à 25 milliards de roubles (530 millions d’euros) au budget de la Crimée.
À Sotchi, la création de l’infrastructure nécessaire pour la zone de jeux n’est pas nécessaire. L’utilisation à ces fins de sites olympiques financés par les investisseurs privés est autorisée. La législation russe interdit les établissements de jeu d’argent en dehors des zones de jeu spéciales.
Ces zones sont déjà créées dans les régions de Kaliningrad, d'Altaï et de Primorié, mais la seule zone en activité, ouverte en 2010, est Azov-City, située comme Sotchi dans la région de Krasnodar.
Concurrence acharnée
En février 2014, Vladimir Poutine s’est fermement opposé à l’ouverture de casinos à Sotchi, mais il a ensuite changé son point de vue. « Nous n’y avons pas investi des sommes faramineuses pour les quelques heureux qui peuvent y dépenser des centaines de milliers de dollars dans les casinos », avait alors annoncé le président russe.
Toutefois, suite à l’appel adressé par les députés du Parlement de Sotchi et le maire de la ville Anatoli Pakhomov, en juin 2014, le président russe a chargé le gouvernement d’étudier cette question.
« Historiquement, la Crimée est un site touristique très attractif pour les Russes. Avec la stabilisation de la situation dans la péninsule, elle deviendra, en termes d’attractivité, un concurrent de taille pour Sotchi », explique l’analyse macroéconomique chez UFS IC Vassili Oukharski. Il estime qu’en matière d’investissements, la Crimée arrive déjà en tête.
L’expert explique que l’aménagement de la péninsule nécessite des investissements importants, alors qu’à Sotchi, la période des Jeux olympiques est terminée, les fonds sont déjà investis et, désormais, les investissements dans la région se contracteront considérablement.
Pourtant, Irina Irbitskaïa estime que la décision d’ouvrir une zone de jeu à Sotchi est une erreur. « La ville a son histoire avec un bon background, alors qu’une zone de jeu n’a pas d’orientation humanitaire et ne crée aucun effet intégrateur pour le pays », explique l’experte du tourisme.
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Elle estime qu’il aurait fallu y lancer plutôt un appel d’offres pour la conception du développement du territoire et l’élaboration d’un plan directeur, et réunir les meilleurs spécialistes qui apporteraient des propositions sur le développement de Sotchi. Le Centre des compétences urbanistes de l'Académie russe d'économie nationale anotamment élaboré une proposition intitulée « Développement de l’infrastructure touristique dans le district d’Adler à Sotchi ».
« Nous avons, entre autres, proposé d’orienter les pôles olympiques vers la création d’une station touristique d’affaires. Sur la mer Noire, il n’y qu’un seul centre mondial, Istanbul, Sotchi pourrait devenir un deuxième centre mondial sur la côte », explique Irina Irbitskaïa.
26 juillet, 2014 Alexeï Lossan, RBTH