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Internet La Maltaise des jeux : entretien avec le groupe B3w

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Internet La Maltaise des jeux : entretien avec le groupe B3w

Hors la loi en France, sociétés de paris et casinos en ligne venus du monde entier émettent depuis ce pays européen qui ne rechigne pas à délivrer des licences. Y compris à des Français.

Depuis Malte, repaire des casinos sur Internet, hors-la-loi dans l’Hexagone, des Français expatriés croisent le fer avec l’Etat gardien du monopole de la Française des jeux, du Pari mutuel urbain (PMU) et de quatre grandes familles propriétaires des casinos :«La France qui s’oppose aux jeux maltais comme aux plombiers polonais, passe à côté du jackpot», lance François Brust, 43 ans, directeur du groupe de casinos B3W (Blue Winners World Wild) qu’il a fondé il y a dix ans à Paris et vient de délocaliser à Malte.

Ce petit pays européen et puritain de 400 000 âmes pour 7 000 églises, passé à l’euro le 1er janvier dernier, ne rechigne pas à délivrer des licences de jeux en ligne qui engraissent les caisses de l’Etat. La morale ici interdit l’avortement et le divorce, mais pas les jeux d’argent. Dans ce pays, surtout producteur de pommes de terre et de porc, l’industrie du jeu met du beurre dans les épinards. Le nombre d’employés maltais des casinos et loteries a été évalué à 1 100, sans compter les retombées sur la construction et la restauration.

«Contrer les bookmakers»
Plus de 200 sociétés de paris et casinos venus du monde entier - surtout depuis l’interdiction aux Etats-Unis en 2006 - ont gagné l’autorisation d’émettre depuis Malte. De mystérieux investisseurs américains auraient même racheté le nom de l’hôtel mythique de Las Vegas à des descendants de la mafia pour monter le site Royal-flamingo-casino.com hébergé par B3W. Ce microcosme méditerranéen au sud de la Sicile mélange hommes d’affaires plus durs que purs, anciens croupiers ou tenanciers de casinos, ex-propriétaires de machines à sous, mais ces professionnels des jeux d’argent se veulent tous «clean» et «irréprochables».

Le patron de B3W jure ses grands dieux que«les truands ne sont pas ici, mais dans l’Hexagone». Du haut de ses deux mètres, le manager dénonce «les cercles de jeux à Paris et sur la Côte tenus par les Corses, des casinotiers acoquinés avec Charles Pasqua, des valises de billets de la Française des jeux qui alimentent les fonds secrets, et tout le monde veut nous salir alors, qu’à Malte il existe une réglementation et un contrôle comme nulle part ailleurs».

Ancien patron d’une agence de publicité, François Brust fut consultant pour l’agence spatiale russe pendant cinq ans après la chute du mur de Berlin en 1989, à l’époque où Moscou revendait ses armes. Il a monté une société de «défiscalisation» puis a démarré «l’aventure du jeu» en 1998 avec Monte-casino au Costa Rica. Il a créé en France en 2000 le site de jeux gratuits Bet in Paris, «premier casino en ligne» sans fric mais avec des cadeaux, et l’aval des ministères du Budget et de l’Intérieur. L’apparition des sites de jeux d’argent l’a aiguillonné : «Nous, on gagnait 3 sous, eux 10.» Il décide de lancer en Angleterre en 2002 Yachting Casino dont le trimaran finit en deuxième place de la Route du rhum. Depuis, il sponsorise la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Il a attendu la légalisation des jeux en ligne dans l’Hexagone. En vain. Du coup, la Commission européenne a épinglé la France en juin 2007 pour «entrave à la libre circulation des services» de paris hippiques et sportifs, de jeux d’argent à distance, et a considéré le monopole d’Etat de la Française des jeux et du PMU comme des «restrictions incompatibles» avec le droit communautaire.

Une victoire pour Emmanuel de Rohan-Chabot, patron du site maltais de paris sur les courses hippiques, Zeturf, qui avait osé braver le monopole du PMU et attaquer la France auprès de la Cour de justice européenne en août 2005 (1). Cet aristocrate diplômé de Sciences-Po, issu d’une grande famille d’éleveurs de chevaux, ripostait ainsi à sa condamnation pour «prise de paris illicites en bande organisée». Depuis son site à Malte, Zeturf rafle les mises de 45 000 turfistes en France. Il reverse 95 % de l’argent aux joueurs de tiercé (et 5 % à l’Etat maltais), alors que le PMU ne leur en restitue que 74 % (14 % à l’Etat et 7 % à la filière hippique). Depuis le début de son bras de fer avec le PMU, Rohan-Chabot se dit«prêt à payer les sociétés de courses, pas par grandeur d’âme, mais par intérêt». Bien placé avec 80 millions d’euros d’enjeux en 2007 et 14 salariés, le patron de Zeturf enjoint la France de légaliser les sites «sérieux» afin de «contrer les bookmakers et de ne pas envoyer les joueurs à l’abattoir hors de l’Europe, sur des sites éphémères qui les arnaquent». Pour ne pas risquer une condamnation, la France s’apprête à une «ouverture maîtrisée» des jeux en ligne et doit communiquer sa position à l’Union européenne à la fin de ce mois-ci. Craignant que les jeux ne soient déjà faits et que seuls les tenanciers de «casinos physiques» en France décrochent l’autorisation, des Français non grata ont rejoint Malte et «défient la France».

Machines à 1 centime

C’est ainsi qu’en novembre 2007, François Brust, fondateur de B3W, a installé ses réseaux et ses ordinateurs sur 900 mètres carrés de bureaux à Gzira, près de Sliema, sur le front de mer aux allures de promenade des Anglais des années 60, face au port de plaisance qui abrite le yacht de Vincent Bolloré. Ses huit casinos en ligne génèrent 300 millions d’euros de mises par an. Il prétend sans rire en «redistribuer 98 % en moyenne» ! Sauf que le parieur qui a misé 100 euros rejoue ses 98 euros, puis mise encore et encore jusqu’à rafler le jackpot ou… tout perdre. Le directeur de B3W rétorque que «la Française des jeux ne redonne que 60 %» : «Chez nous, avec 50 euros, le joueur va peut-être tout perdre mais au bout de trois heures. Il aura eu le frisson et passé une bonne soirée. On vend du divertissement. On ne veut pas ruiner nos joueurs plafonnés à 600 euros par jour, 2 500 par semaine et 6 000 par mois. On ne les appâte pas avec " Gagnez des millions" et on a même des machines à 1 centime la partie comme pour le jeu de Lucky Luke.»

Sur le Royal Flamingo casino, petit dernier du groupe qui fournit 130 jeux de blackjack, poker, machines à sous, jeux à tirage ou à grattage, le joueur est certes libre de mettre 10, 20 ou 50 centimes à la roulette ou au baccarat («On est le Edouard Leclerc des casinos»,ose François Brust), mais il y a fort à parier que les «50 millions d’euros de mises annuelles» prévues sur ce site ne rentreront pas à coups de menue monnaie. Intarissable sur les précautions prises lors de l’inscription des joueurs et du premier dépôt d’argent (coordonnées, copie de pièce d’identité et de carte bancaire, etc.) afin d’éviter les mineurs et les véreux, le patron refuse de nous livrer tout chiffre industriel. Rien sur les bénéfices ou l’origine des fonds. La légende entretenue ici veut que Royal Flamingo casino ait été financé par «des investisseurs américains, dont le petit-fils d’un associé de Benjamin Siegel» alias «Bugsy», le puissant gangster qui engloutit en 1946 des millions de dollars de la mafia dans la construction, en plein désert du Nevada, du gigantesque hôtel casino Flamingo devenu l’emblème de Las Vegas. Des gars de la partie, ici, chuchotent qu’un petit casino rapporte 100 000 à 150 000 euros par mois, un gros le triple.

Selon Mario Galéa, directeur de la Commission des jeux maltais (Lotteries and Gaming Authority, LGA), «c’est un bon business qui rapporte de l’argent, mais Malte n’est pas un paradis fiscal et les entreprises versent 35 % de taxe sur les bénéfices. Ici on n’est pas à Las Vegas. Depuis 2004, on a mis de l’ordre dans un secteur qui était un véritable Monopoly». Avec ses 45 inspecteurs et contrôleurs, la LGA enquête sur les personnes et les sociétés demandeuses de licences (références, casier judiciaire vierge, bénéficiaire économique, etc.) selon Mario Galéa : «Nous questionnons Interpol et Europol sur les noms et les compagnies. Tous les gens connus pour fraude ou blanchiment sont refusés. A Malte, plus de 300 sociétés ont demandé à s’installer» . Selon son décompte, «36 ont été éliminées», 125 licences ont d’ores et déjà été délivrées, 80 certificats temporaires seront validés si tout va bien et 110 autres demandes sont en cours d’examen. «Ne croyez pas qu’une licence s’obtienne en moins de huit semaines, ce n’est pas une procédure bidon», précise le chef des inspecteurs de la LGA, Philippe Warzee.

Ce Français de 53 ans fut chef caissier du casino le Ruhl à Nice, de 1983 - abreuvé de fonds corses douteux à l’époque de Jean-Dominique Fratoni - jusqu’à la fermeture, en 1985, par la police des courses et jeux. Il a travaillé au Love’s à Monte-Carlo. Philippe Warzee a atterri ensuite à Malte où il a tenu plusieurs casinos - le Dragonara, l’Oracle, le Di Vénézia -, puis le gigantesque Club de Bingo, avant d’intégrer en 2004 la Haute Autorité des jeux : «Je passe pour le traître ici car je viens des casinos», lance ce collectionneur de jetons qui se présente comme intransigeant. «S’il existe une société écran ou un prête-nom et que je le trouve, je le ferme tout de suite, promet-il. Toutes les opérations par virement ou carte bancaire sont tracées : les entreprises doivent montrer à la fin de chaque mois le back office, fournir le disque gravé avec les transactions sur tous les comptes des joueurs, ce qui permet de contrôler les mouvements et de calculer les taxes.»

«Juste quelques margoulins»

En écho, Emmanuel de Rohan-Chabot assure que «les sociétés de jeux en ligne maltaises ne peuvent pas blanchir de fonds car elles ne brassent pas de cash»et rejette les soupçons de magouilles sur le PMU : «Sur Zeturf, on limite les mises à 300 euros alors que le site du PMU autorise jusqu’à 9 999 euros. Aux guichets, les joueurs peuvent parier 100 000 euros en liquide, sans nom sur les tickets, sans pièce d’identité. Chez moi, personne ne peut blanchir comme Francis le Belge qui lavait son fric en rachetant les tickets de PMU aux gros gagnants 15 % de plus.» Le parrain marseillais a d’ailleurs été assassiné en plein boulot au pub PMU de la rue d’Artois à Paris en septembre 2000, «et pas sur Internet».

Le seul «petit risque» de blanchiment qu’entrevoit Mario Galéa, directeur de la LGA, concerne les tables virtuelles de poker où l’opérateur sert d’intermédiaire : «On doit être sûr qu’il n’y ait pas de collusion entre l’opérateur et les joueurs, et surveiller que ceux qui perdent et qui gagnent ne blanchissent pas.»

Dubitatif, un commissaire des Renseignements généraux français, police des courses et des jeux, ne croit guère à la capacité de l’autorité maltaise de débusquer les escrocs, usurpateurs d’identité, blanchisseurs du grand banditisme et autres «truqueurs» de logiciels ou de paris : «Même les Etats-Unis se méfient des jeux en ligne, alors Malte avec ses 400 000 habitants…», raille-t-il. Selon un connaisseur du milieu, «à Malte, il n’y a pas de voyous, juste quelques margoulins», experts ès sociétés écran ou offshore, as des fausses factures ou du «lessivage» qui ont pu tremper dans des affaires du genre Elf ou Falcone. A Malte, les bandits ne sont peut-être pas tous manchots.

De notre envoyée spéciale à Malte PATRICIA TOURANCHEAU
QUOTIDIEN : mercredi 19 mars 2008
Source http://www.liberation.fr/


   
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