L'Allemagne verrouille le monopole des jeux d'argent
Les jeux de hasard et les loteries rapportent quelque 4,4 milliards d'euros par an aux Länder.
LE MONOPOLE d'État sur les jeux de hasard et les loteries a été confirmé par les Länder, seuls responsables du secteur qui échappe au contrôle du pouvoir fédéral.
En dépit d'une menace de veto européen, les ministres présidents de quinze des seize régions ont décidé de prolonger de quatre ans leur mainmise sur une activité qui leur rapporte quelque 4,4 milliards d'euros par an.
Cette décision fait suite au verdict rendu en mars dernier par la Cour constitutionnelle, qui a jugé ce monopole non conforme à la loi fondamentale. Soit les pouvoirs publics devaient l'ouvrir au privé « de façon réglementée ». Ou alors, pour le maintenir, ils devaient mettre l'accent sur la lutte contre le « démon du jeu » en réduisant leur publicité tapageuse à des « fins manifestement fiscales ». Le consensus s'est fait contre la concurrence.
La Cour de Karlsruhe s'était prononcée sur les seuls paris sportifs, mais les Länder en ont profité pour étendre leur action à la loterie, aux revenus bien plus importants. Les dirigeants régionaux ont donc interdit la publicité sur Internet et par téléphone et, dans la foulée, tout le marché des paris en ligne qui est dominé par des sociétés étrangères.
Mécontentement à Bruxelles
Leur accord, auquel seul le Land de Schleswig-Holstein n'a pas souscrit, risque de se solder par une autocensure : l'institut de recherches économiques Ifo leur pronostique un manque à gagner d'un milliard par an, assorti de la suppression possible de 35 000 emplois parmi les opérateurs privés. Leur accès régulé au marché en revanche pourrait signifier des gains supplémentaires de 1,7 milliard. Une période de transition d'un an a été donnée aux privés. La nouvelle réglementation, qui doit encore être approuvée par au moins treize des seize Parlements régionaux, sera valable jusqu'en 2011 et affectera également le sponsoring sportif pratiqué par les privés, dans le football notamment.
Cette décision est critiquée à Bruxelles. Charly McCreevy, le commissaire chargé du Marché intérieur, veut intervenir contre ce qu'il tient pour une violation de la liberté de prestation de services puisque les opérateurs étrangers ne sont pas traités sur un pied d'égalité. Une plainte auprès de la cour de justice de Luxembourg est déjà déposée dans un cas analogue en Italie et risque de faire jurisprudence.
C'est ce qui a poussé le Schleswig-Holstein à se dissocier des autres Länder. « La question n'est pas de savoir si le monopole doit être abandonné, mais quand », affirme son ministre de la Justice. Ce qui n'empêche pas ses collègues de mettre en avant la lutte contre le « démon » qui, dans le cas du Loto, a saisi 0,33 % des Allemands selon une étude de l'université de Brême...
source le figaro.fr le 15 décembre 2006