Le jeu en ligne tuera-t-il les casinos ?
Anonyme mais très rentable, le casino en ligne fait des envieux du côté des bonnes vieilles salles de jeu. Il ne semble cependant pas menacer leur survie... pour l’instant.
Depuis ce jeudi 19 janvier, les fanas bruxellois de la roulette, les aficionados du black-jack, les accros de la machine à sous peuvent assouvir leur passion du jeu dans le cadre prestigieux de la salle de la Madeleine.
Le battage médiatique qui entoure l’ouverture du casino de Bruxelles met la mystérieuse industrie du jeu sous les feux des projecteurs. Chaque année, elle réalise un chiffre d’affaires de € 1,6 milliard et donne du travail à 15.000 personnes. Les casinos sont loin de se tailler la part du lion de ce secteur. L’activité ne génère que € 54 millions par an. Ces dernières années, les affaires ont un peu faibli, notamment parce que la réglementation qui régit ces temples de la tentation est très stricte.
Les jeux d’argent gardent cependant la faveur des Belges. La démocratisation de l’Internet à large bande a provoqué l’émergence du jeu en ligne. Tant et si bien que l’on estime qu’environ 90.000 Belges sont aujourd’hui adeptes de cette nouvelle façon de jouer. En 5 ans, ce chiffre aurait quintuplé. Le marché belge du jeu en ligne (casino, loto, pronostics de football) pèse actuellement € 27 millions.
Faible concurrence
Une concurrence pour les casinos en dur ? « Pas tout à fait », répond Thibaut Verbiest, avocat spécialisé dans le domaine des nouvelles technologies au cabinet ULYS.
« Le casino en ligne n’est pas comparable à son modèle en briques. Il s’agit uniquement d’un logiciel. Les entrepreneurs qui se sont lancés dans ce segment sont d’ailleurs des spécialistes des technologies de l’information, plus que du casino ». Et la procédure d’enregistrement des joueurs en ligne est quasi-anonyme ; le contrôle de l’identité et celui de l’âge sont loin d’être infaillibles. La rigueur est plus de mise dans les casinos réels. Disponibles 24 heures sur 24, les sites Internet permettent aux cyberjoueurs de régler leur note par carte de crédit. Alertées par ce phénomène peu contrôlable, certaines banques (dont la CitiBank) interdisent pourtant cette pratique.
Il reste difficile de contrôler le jeu virtuel. Contrairement aux casinos, les sites web n’empêchent pas les personnes souffrant d’une dépendance pathologique au jeu de s’inscrire et de miser des sommes. « Les accros du casino sur Internet ne recherchent ni le glamour ni l’ambiance survoltée des salles de jeux réelles, poursuit Thibault Verbiest. Le joueur en ligne ressent plutôt une excitation similaire à celle des jeux vidéo. Même si le phénomène prend encore de l’ampleur, la concurrence sera à mon sens marginale face aux casinos réels. »
Cela ne veut pas dire que les opérateurs classiques du jeu ne lorgnent pas avec envie du côté de l’Internet. « On peut même dire qu’ils sont agacés par le succès phénoménal du casino en ligne. C’est que les investissements des opérateurs virtuels sont entre 9 et 20 fois moins élevés que pour les casinos en dur. Leurs ratios de rentabilité sont sidérants », reprend Thibault Verbiest.
Les rares acteurs de l’industrie du casino en ligne qui ont emprunté la voie de la transparence comme le britannique PartyGaming - tout de même basé à... Gibraltar - touchent le jackpot. Coté en Bourse, valant 10 fois plus que le groupe français Partouche qui détient 100 casinos réels, PartyGaming contrôle 50 % du marché du poker en ligne. Il vient de s’attaquer avec succès au black-jack. Ayant bâti sa réputation sur une certaine fiabilité et un marketing efficace, il fait aujourd’hui figure de modèle de réussite dans le monde du jeu : son rythme de croissance est 10 fois supérieur à celui d’un opérateur classique.
Les bons vieux casinos ne sont pas menacés pour autant. Même s’il grandit à la vitesse grand V, le casino en ligne ne représente que 4 % à 6 % du marché mondial du jeu, qui pèserait € 250 milliards dans le monde, soit l’équivalent du PIB belge.
(source : trends.be/Pierre-Yves Warnotte)
Aout 2006