le monde du jeu en ligne est sur les dents !
Les groupes de jeux d'argent et paris sur Internet craignent de voir leurs activités profondément remaniées, après l'arrestation aux États-Unis d'un deuxième dirigeant d'entreprise en deux mois, ce qui semble augurer d'un durcissement de la justice américaine dans ce domaine.
Jeudi, le site de paris sportifs Sportingbet a semé la déroute dans le secteur en annonçant l'arrestation à l'aéroport JFK de New-York de son président non-exécutif, Peter Dicks, 64 ans, pour violation des lois sur les paris en ligne.
M. Dicks a été incarcéré et devrait comparaître la semaine prochaine devant la justice.
Sans qu'aucune communication gouvernementale n'ait été faite sur le sujet, il semble que les États-Unis aient décidé de faire respecter à la lettre une loi de 1961 interdisant les paris sportifs par voie de télécommunications.
De plus, le Sénat doit décider ces jours-ci de la suite à donner à un projet de loi étendant ces restrictions à l'ensemble du jeu en ligne, ce qui accroît l'incertitude.
Tous ces sites s'étaient déjà fortement émus de l'arrestation mi-juillet à Dallas, en compagnie d'autres personnes, du directeur général du site BetOnSports, David Carruthers. M. Carruthers a été libéré sous caution d'un million de dollars et assigné à résidence à Saint-Louis.
Puis l'inquiétude avait faibli, le secteur préférant croire que les autorités américaines avaient surtout voulu donner une leçon à Gary Kaplan, le fondateur de BetOnSports, dans son collimateur depuis des années.
BetOnSports avait licencié M. Carruthers, lui reprochant publiquement des «comportements déplacés» lors de fêtes données par le groupe au Costa Rica, puis avait annoncé la fermeture de ses activités aux États-Unis.
L'orage semblait passé. Mais l'arrestation de M. Dicks, administrateur non-exécutif d'un groupe dirigé par une personnalité respectée du monde britannique des affaires, Nigel Payne, a semé la panique.
Les actions ont reculé de 10 à 15% jeudi à la Bourse de Londres, et se reprenaient à peine vendredi, tandis que la cotation de Sportingbet est suspendue.
Pour la plupart, ces groupes sont cotés à Londres, opèrent depuis des paradis fiscaux, mais la majorité de leur clientèle se recrute aux États-Unis.
Les Amériques représentent 56,3% du chiffre d'affaires de Sportingbet, site de paris, et respectivement 55% et 84,3% de 888 et PartyGaming, géants du poker en ligne.
Le secteur brasse des fortunes. Le chiffre d'affaires de Sportingbet a atteint 2,85 milliards de dollars en 1985, pour 76 millions de dollars de bénéfice avant impôt. PartyGaming a récolté 978 millions de dollars, pour un bénéfice avant impôt de 324,9 millions de dollars.
Les analystes se sont montrés pessimistes sur l'issue de cette affaire.
Elle «tombe très, très mal pour le secteur tout entier», a constaté Wayne Brown d'Altium Securities. «On peut désormais penser sans se tromper que le ministère de la Justice va poursuivre toutes les entreprises de jeu en ligne», a-t-il prédit, déconseillant à tous leurs dirigeants de mettre les pieds aux États-Unis.
Mitch Garber, le directeur général de PartyGaming, a concédé jeudi «qu'il mentirait s'il disait qu'il n'a pas quelque inquiétude à l'idée de voyager aux États-Unis». «Quand on est dans un secteur où quelque chose de mauvais s'est produit, c'est presqu'impossible de ne pas en souffrir à son tour», a-t-il constaté.
Les analystes estiment que le secteur va souffrir pendant un certain temps d'un fort désintérêt des investisseurs.
Plus largement, les affaires impliquant des poursuites d'hommes d'affaires britanniques aux États-Unis s'additionnent, après déjà l'extradition en juillet de trois banquiers de la banque NatWest dans le cadre de l'affaire Enron, et deux autres cas.
Dans son édition de vendredi, le Financial Times, ironisant sur «la relation spéciale» qui unit officiellement les gouvernements américain et britannique, a suggéré que «si cette relation spéciale signifie vraiment quelque chose, ce ne serait pas mal que quelqu'un à Westminster (le siège du gouvernement britannique, ndlr) en touche un mot à quelqu'un à Washington».
Source AFP - 8 septembre 2006