les députés français votent pour interdir le jeu en ligne
Comme prévu, le gouvernement refuse la légalisation des sites de paris sportifs, de paris hippiques, de casinos ou encore de poker en ligne. Profitant du passage devant les députés, en première lecture, du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, il a fait adopter le jeudi 30 novembre au matin, trois amendements à la législation actuelle qui s’attaquent à toute activité de jeu à distance, à deux niveaux.
D’une part, les sanctions sont renforcées pour quiconque fera de la publicité pour l’un de ces sites. Cela concerne aussi bien les sites eux-mêmes que ceux qui s’en font le relais, et qui fleurissent depuis quelques années, notamment pour les casinos en ligne, grâce à une rémunération attrayante. Sans oublier tous les sites de résultats sportifs par exemple, qui ont prospéré grâce aux reversements provenant de sites de paris à distance.
Voila pour le volet « prestataires de jeu ».
Mais l’autre volet, celui des utilisateurs, n’est pas négligé non plus. Le gouvernement a maintenant la possibilité de bloquer « pour une durée de six mois renouvelable, tout mouvement ou transfert de fonds en provenance des personnes physiques ou morales qui organisent des activités de jeux, paris ou loteries prohibés ».
Autrement dit, les virements de compte à compte, dans l’hypothèse ou l’internaute souhaite récupérer ses gains, sont interdits. A l’heure de la dématérialisation des mouvements bancaires, grâce notamment aux cartes de paiement, on peut supposer que le bon vieux chèque papier va connaître un regain d’intérêt de la part des sites de jeux à distance, qui trouveront bien une solution pour contourner la loi française.
Ce blocage des virements sera possible dès promulgation du texte au Journal Officiel. En ce qui concerne l’interdiction de la publicité, elle entrera en vigueur six mois après l’entrée en vigueur de la loi.
Examinant en première lecture, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, les députés ont donc adopté en première lecture un amendement, après l’article 17, qui vise à interdire toute possibilité pour les internautes de s’adonner en ligne à des jeux d’argent.
Cet amendement, a précisé le président et rapporteur de la commission des lois, Philippe Houillon (UMP, Val d’Oise) « introduit dans le code monétaire et financier un dispositif autonome qui permettra à l’autorité administrative de lutter plus efficacement contre les activités illégales de jeux d’argent et de paris, proposées notamment sur internet.
Il s’agit de faire bloquer par les établissements du secteur bancaire les flux financiers provenant des personnes physiques ou morales qui organisent ces activités de jeux, paris ou loteries prohibées par la loi française. À l’heure actuelle, cette lutte repose essentiellement sur l’autorité judiciaire, l’autorité administrative ne disposant pas de moyens efficaces pour y participer. L’amendement comble cette lacune ».
De son côté, le représentant du gouvernement, Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du Territoire, a relevé que « les jeux d’argent sont organisés en France de manière à combattre la fraude et les trafics, ainsi qu’à protéger les publics fragiles, étant entendu que le jeu, qui n’est pas une activité comme une autre, exige un contrôle spécifique et approfondi. Ce contrôle doit aussi pouvoir s’exercer sur les jeux en ligne.
Comme d’autres pays européens, a poursuivi M. Estrosi, la France a défini un plan d’action interministériel en cinq points : poursuites judiciaires systématiques ; saisine du CSA ; renforcement des sanctions ; création d’un observatoire des jeux d’argent liés aux nouvelles technologies ; contribution des banques et des fournisseurs d’accès à Internet à la lutte contre les jeux illégaux. »
« Au niveau européen, a encore ajouté le ministre, la France affirmera la nécessité de coordonner la lutte contre les sites illégaux. Parallèlement, le gouvernement met en œuvre, avec les syndicats d’exploitants de casinos, un protocole sur la promotion du jeu responsable.
Dans le même esprit, nous avons demandé à la Française des Jeux et au PMU d’élaborer avant la fin de l’année un plan d’action en faveur du jeu responsable.
La France est résolue à maintenir une organisation des jeux reposant sur un nombre limité d’opérateurs fortement encadrés, seuls à même de garantir un contrôle des flux financiers et de favoriser une pratique raisonnée et non compulsive. Le gouvernement est donc tout à fait favorable à l’amendement de la commission ».
Cet amendement a été adopté par les députés, ainsi que deux autres qui durcissent les sanctions à l’encontre des sites de jeux en ligne ainsi que ceux qui en font la publicité.
Durcissement des sanctions
« Lorsqu’elle n’est pas encadrée, a expliqué avant le vote des parlementaires M. Houillon, pour justifier cet amendement, l’offre de jeux sur Internet constitue le support de nouvelles formes de criminalité et un important vecteur de blanchiment d’argent.
Afin de mieux dissuader les organisateurs de jeux non autorisés et leurs complices, l’amendement 516 de la commission double les sanctions encourues. L’amendement 515 rectifié renforce également les sanctions pénales, mais en visant cette fois la publicité pour des loteries, jeux ou paris organisés illégalement.
Ce relèvement des peines doit être apprécié au regard des bénéfices générés par ce type d’activités. Plusieurs exemples récents démontrent que certaines des sociétés qui viennent proposer ce type de « services » en France disposent d’une assise financière importante, sont cotées en bourse et consacrent des budgets atteignant parfois plusieurs dizaines de millions d’euros à la publicité. Un délit voisin, la publicité sur les ventes prohibées, est d’ailleurs puni d’une amende de 37.500 euros ou de 50 % du montant des dépenses de publicité engagées et nous proposons ici des peines comparables. »
En revanche, un amendement proposé par deux députés UDF, Jean-Christophe Lagarde (Seine St Denis) et Charles de Courson (Marne), qui visait à autoriser les opérateurs français de casinos terrestres à exploiter des jeux de casinos en ligne, a été repoussé.
« Le rapport d’information du sénateur François Trucy, avait argumenté M. Lagarde, souligne que le marché européen des jeux à distance est actuellement dans une phase de forte croissance et devrait passer de 9 milliards de dollars en 2004 à 25 milliards en 2010, les dépenses de consommation correspondantes étant comprises entre 2 et 3 milliards d’euros en 2004.
Néanmoins, comme le ministre délégué au Budget l’a rappelé le 18 octobre dernier en présentant le plan d’action interministériel pour le contrôle des jeux d’argent en ligne, ce type d’activités présente des risques, tel le développement de la fraude et du blanchiment d’argent, sans oublier les phénomènes d’addiction chez les personnes les plus fragiles.
Il est donc urgent d’adopter un cadre légal, des sociétés étrangères contestant désormais les monopoles nationaux de la Française des jeux et du PMU. Récemment, les pouvoirs publics ont dû interdire à une société maltaise de proposer des paris sur les courses de chevaux en France et interpeller des dirigeants de la société de paris en ligne Bwin.
J’ajoute d’ailleurs qu’en Grande-Bretagne, on fait des paris sur les chances de réussite des candidats à l’élection présidentielle… L’amendement 499, que j’ai cosigné avec M. de Courson, tend, dans le respect du droit communautaire, à autoriser les opérateurs français de casinos à exploiter les jeux de casino sur Internet, afin de permettre le développement d’opérateurs nationaux.
Les modalités de cette autorisation devront néanmoins être précisées par arrêté ministériel. »
La commission des Lois n’a pas examiné cet amendement a pour sa part relevé M. Houillon, qui s’est déclaré défavorable au texte, « car il risquerait d’aboutir à un contournement des monopoles nationaux en matière de jeux. »
« Une légalisation des jeux de casino sur Internet, pour M. Estrosi, entraînerait inévitablement une augmentation considérable de la consommation de jeux et des risques de blanchiment. En outre, les jeux développés sur ces sites sont souvent les plus compulsifs et visent indifféremment des publics jeunes ou adultes. Les casinos sont aujourd’hui très strictement encadrés, soumis à un contrôle spécifique des pouvoirs publics ; en France comme dans d’autres pays européens, l’organisation des jeux d’argent, confiée à un nombre limité d’opérateurs, permet de contrôler étroitement les conditions d’enregistrement et d’exploitation des activités de jeux d’argent. En fait comme en droit, le casino virtuel n’a aucune existence en France ». Et il a donc émis à son tour un « avis défavorable ».
Le député UMP de Paris Claude Goasguen a eu beau voler au secours de M. Lagarde, expliquant qu’à « titre personnel », il voterait « cet amendement car (il) en a assez d’entendre le ministère des Finances nous vanter le monopole des jeux avec une componction qui nous met en porte-à-faux avec les directives européennes », cela n'a pas suffi. « Nous risquons d’être condamnés alors que le monopole, hormis sur le plan financier ou à moins qu’il ne s’agisse de plaire à certaines catégories du personnel du ministère des Finances, ne se justifie aucunement », a-t-il pourtant conclu. Sans convaincre l’Assemblée qui a repoussé l’amendement.
L'examen du projet de loi s'est achevé vendredi après-midi à l’Assemblée nationale. Le texte sera adopté à l'issue d'un vote solennel, le mardi 5 décembre. Il partira alors devant une commission mixte paritaire, puisqu’il a déjà été examiné en première lecture par les sénateurs. Il reviendra ensuite devant les députés pour une dernière validation.
voir aussi les amnendements votés
Les amendements votés par les députés Français