On a cassé le thermomètre de la fièvre du jeu des Vaudois
Les Vaudois cèdent de plus en plus aux sirènes des jeux de hasard. Mais les statistiques ne sont plus là pour le dire.
Chaque habitant de ce canton, du berceau à l'EMS, a dépensé en 2005 pas moins de 487 francs dans les jeux de hasard. Soit deux fois plus qu'en 1994, et quatre fois plus qu'en 1984. Ainsi s'exprimaient les statisticiens de l'Etat de Vaud à la page 421 cela ne s'invente pas de la cuvée 2006 de leur Annuaire statistique, volumineux recueil destiné à cerner sous toutes ses coutures le portrait chiffré de ce canton. Depuis, silence radio.
On fait dire aux chiffres à peu près ce que l'on veut, mais celui-là, actualisé année après année, traduisait la dynamique d'un véritable phénomène de société. Il exprimait notamment la progression du PMU Romand, les sursauts du Sport-Toto et la lente usure de Swiss Lotto et des lotos.
L'ouvrage n'est pas paru en 2007. Et dans l'édition 2008 qui vient de sortir, ces données ont tout simplement disparu.
Salade de chiffres
Aurait-on cassé le thermomètre pour ne pas voir le mal? «Quel mal y a-t-il à jouer à la loterie?» sursaute Jean Campiche, responsable de la publication. «Nous avons suspendu la poursuite de cette série parce que ceux qui nous fournissent les chiffres ne sont pas d'accord entre eux et que les sources sont contradictoires», explique-t-il. Mais encore: «La Loterie Romande conteste les données de la police du commerce, l'EuroMillions pose quelques difficultés et nous ne sommes pas parvenus à obtenir des renseignements utilisables auprès du Casino de Montreux.»
Il promet que tout cela est provisoire. «L'idée, c'est d'approfondir ce secteur statistique et de remettre sur pied quelque chose de sérieux.» Avant d'en arriver là, il faudra se mettre d'accord sur ce qu'on entend par «dépense par habitant». Aux yeux de la Loterie Romande (LoRo), c'est clairement le revenu brut des jeux, autrement dit le montant des pertes des joueurs.
«Avec une grille de type Swiss Lotto ou EuroMillions, c'est facile à calculer. Avec un système comme le Tactilo ou les machines à sous, c'est une autre histoire», précise le spécialiste des chiffres à la LoRo. Ces procédés, qui restituent environ 90% des mises, tournent en continu. Le montant en caissette à un moment donné ne veut pas dire grand-chose.
Pour Jean-Luc Moner-Banet, directeur général de la Loterie Romande, il suffit d'un peu de bonne volonté pour que tout rentre dans l'ordre: «Je vais faire en sorte que cela se règle au plus vite pour ce qui nous concerne.»
Pas de panique
Ce que personne ne conteste, c'est la progression continue des dépenses des Vaudois dans les jeux d'argent, depuis la levée de la quasi-prohibition qui régnait jusqu'au retour des casinos.
Au plan national, selon une enquête réalisée par l'Office fédéral de la justice, 56% des adultes jouent régulièrement, dont 15% au moins une fois par semaine. Les joueurs sont plus souvent des hommes (57%) que des femmes et leur nombre est proportionnellement plus élevé en Suisse romande et au Tessin qu'en Suisse alémanique. Enfin, tandis que les 50 ans et plus préfèrent les loteries, les jeunes penchent plutôt pour les casinos et les machines à sous.
source 24heures.com LAUSANNE, LE 6 FÉVRIER 2008