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Poker menteur au Cercle Concorde

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Poker menteur au Cercle Concorde

Plus rien ne va. Le Cercle Concorde, maison de jeux parisienne dédiée au poker et au black-jack, fermée en novembre pour cause de soupçons de blanchiment et autres délits en bande organisée, n’a pas fini de faire parler de lui. Le séisme est à la fois politique, policier et clanique.

Les cercles de jeux n’ont pas droit aux roulettes et machines à sous, réservées aux casinos, ils se concentrent sur les jeux de cartes. Un temps menacés de ringardise, les cercles surfent aujourd’hui sur la vague du poker. De statut associatif, ils doivent reverser 10 % de leurs recettes à des bonnes œuvres. Voilà pour l’aspect réglementaire. Selon le sénateur varois (UMP) François Trucy, grand spécialiste des jeux, «les cercles mènent leur petite vie ouatée, respectent scrupuleusement la réglementation et ne posent strictement aucun problème.» Humour froid ? La plupart des cercles (quatorze en France, dont dix à Paris) sont tenus par le milieu corse. Le sénateur Trucy relève, parmi les bénéficiaires des bonnes œuvres, «un nombre important d’associations corses». Mais trêve de polémique: «Il serait parfaitement inconvenant de vouloir rapprocher ce louable effort de solidarité des rumeurs et légendes qui courent encore sur le leadership et l’influence de nos compatriotes insulaires dans le milieu des jeux de la capitale.»

Le Cercle Concorde (IXe arrondissement) a été fermé trois fois dans les années 80 par le ministère de l’Intérieur, tutelle des jeux. Puis trois fois rouvert, la dernière autorisation ayant étant délivrée par le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua lors de la première cohabitation avant sa fermeture définitive - croyait-on alors - en 1987. Son taulier était Edmond Raffalli, un temps inquiété pour avoir remis en Amérique latine son vrai-faux passeport à Yves Chalier, en marge de l’affaire Carrefour du développement, avant d’être relaxé.

Refus de Villepin. Début 2005, revoilà le Cercle Concorde, sous l’égide du fils, Jean-François Raffalli. A l’objet social d’origine, «promouvoir l’idéal républicain», cet autre humoriste rajoute «œuvrer pour la réalisation des Etats-Unis d’Europe». Dominique de Villepin, alors ministre de l’Intérieur, refuse la réouverture - un «dossier de routine, selon un ancien collaborateur, où nous avons suivi l’avis de la Commission supérieure des jeux», instance consultative. En juillet 2005, son successeur Place Beauvau, Nicolas Sarkozy, donne au contraire son feu vert. Par quel prodige ?

Le milieu rivalise aujourd’hui en name dropping, balançant les noms d’intermédiaires censés avoir arrangé le coup avec la «Sarkozie». Celui de Bernard Laporte circule depuis un mois, sur initiative corse. Le secrétaire d’Etat aux Sports, connu pour ses activités casinotières, décline fermement l’honneur : «N’importe quoi. Et pourquoi pas conseiller de George Bush ?» Des Marseillais évoquent a contrario l’intervention du maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, via son directeur de cabinet Claude Bertrand. «Totalement faux», rétorque l’intéressé. Dernier entré en scène, l’ex-judoka David Douillet, plus connu pour son chiraquisme…

Les dirigeants du Cercle Concorde ont d’autres atouts dans leur manche : d’anciens hauts fonctionnaires portant beau au milieu des membres fondateurs. En 1987, Raffalli père affichait, au titre de président, un officier général en réserve; comme secrétaire général, un commissaire à la répression des fraudes, son adjoint étant par ailleurs trésorier de la Grande Loge nationale française. En 2005, Raffalli fils place en vitrine un ancien chef de bataillon et un ex-ambassadeur en Afrique (natif de Corse), qui dit avoir accepté par amitié puis démissionné très vite : «Rien vu, rien fait.» Cela rappelle le Cercle des Halles, dont la prorogation fut accordée sous Pasqua (deuxième cohabitation) au motif que «ce cercle, dont les relations publiques sont assurées par l’ancien directeur des renseignements généraux à la préfecture de police, n’appelle aucune remarque particulière.» Cela ne l’empêchera pas d’être incendié un peu plus tard.

Enquête non prioritaire. Un ancien des RG raconte sa tentative de contrôler les cercles de jeux, «rares endroits où on ne vous demande pas pourquoi vous êtes là, puisque vous y êtes…» Il conclut rapidement qu’ils «déclarent ce qu’ils veulent», puis on lui fait comprendre que l’enquête n’est pas prioritaire. Un autre estime que le problème des cercles est «politique : ils crachent au bassinet contre la bienveillance de l’administration». Sans forcément de lien de cause à effet, le Cercle Concorde de Raffalli père affichait un «membre fondateur du RPR», «membre de onze cabinets ministériels» ; celui de Raffalli fils comporte un autoproclamé «souverainiste ayant adhéré au programme présidentiel de Nicolas Sarkozy».

Rien n’aurait pu déranger cette «vie ouatée», sauf une guerre des clans sur fond de recomposition au sein du gang bastiais de la Brise de mer. Un banquier suisse, principal investisseur dans la relance du Concorde aux côtés d’intérêts corses (cinq millions d’euros), incarcéré depuis un mois, se dit victime, via son avocat Me Marc Bonnant, de «rivalités mafieuses entre groupes corses et marseillais qui s’efforçaient de s’emparer des recettes de jeux», évaluées par le site bakchich.info à 250 000 euros net mensuels. Il aura suffi que la guerre des gangs dégénère en meurtres depuis dix-huit mois pour siffler la fin de la partie.

le 8 janvier 2008 SOurce liberation
Renaud Lecadre
QUOTIDIEN : mardi 8 janvier 2008


   
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