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le livre choc : Enivrés par l'appât du gain au casino

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Début du sujet  

le livre choc : Enivrés par l'appât du gain au casino

Dans son livre, Éléonore Mainguy lève le voile sur les coulisses des maisons de jeu québécoises. Croupière au Casino de Charlevoix pendant plus de trois ans, la jeune femme raconte comment elle a été entraînée à vider les poches des clients et à ignorer leur détresse. Le Journal vous propose des extraits exclusifs de ce brûlot.

Dans cet extrait tiré du chapitre 2 de son livre, l'auteure raconte que l'appât du gain fait chavirer plusieurs clients des casinos québécois. Lors de son expérience comme croupière, elle a vu beaucoup d'hommes et de femmes perdre leur chemise et leur dignité.

«Au fil des premiers mois au casino, je rencontrais des personnes possédant un haut niveau de scolarité comme des psychiatres, d'anciens ministres, des députés, des architectes, des avocats ou des médecins. Mais dans le feu de l'action, les diplômes et l'expertise de ces dignes représentants des professions libérales étaient invisibles. On décelait par leurs vêtements ou leur vocabulaire cette instruction au-dessus de la moyenne, mais leurs réactions et leurs comportements face au jeu étaient les mêmes que ceux des gens moins scolarisés ou fortunés. De l'administration de leurs sous aux commentaires répétitifs censés exorciser la déception de la perte, toutes leurs réactions étaient identiques. L'appât du gain ne fait pas de distinction entre les classes sociales.

Dresser le profil du joueur? Il n'y en a pas.
Il n'y a pas de visage typique d'un client de casino. Il n'y a pas réellement de moyenne d'âge, de standards ou de repères. Certains sont très jeunes, d'autres très vieux. Des calmes, des surexcités. Évidemment, peu de parvenus, mais beaucoup de démunis. Beaucoup plus de solitaires et de vieillissants que de jeunes étudiants passionnés.

L'espoir dans les yeux

La majorité des clients arrivent avec une bonne humeur et une excitation hors du commun. Ils ont des petites flammes d'espoir dans les yeux. Leur argent est calculé, leur budget, déterminé, l'heure de départ, déjà prévue.

Alors, ils s'engouffrent dans le rythme et l'effervescence de l'atmosphère, se font des compagnons autour de la table, puis oublient d'aller dîner. Le climat est convivial comme lors d'un jeu de société. Le croupier accomplit son devoir, il anime la table de son enthousiasme et divertit intensément ses spectateurs en quête d'attention et de sensations fortes. Son ton est compatissant quand la maison emporte la main. Son regard charitable en payant une mise. La confiance se gagne peu à peu.

Puis, les heures passent, les budgets gagnent en élasticité, les mises augmentent et la flamme dans les yeux prend lentement la couleur de la cendre. La chaise était trop confortable, le client n'a pas «senti» le moment propice pour quitter cette table qui le retenait. Et, bien sûr, le croupier d'expérience ne lui a pas dit non plus, quelques heures plus tôt, que le moment était peut-être venu d'encaisser les gains et de partir. Il a continué à changer l'argent dont le montant dépensé a maintenant dépassé celui qui avait été initialement prévu. Le croupier a accompli son devoir. Il a ciblé ses clients, adapté la cadence et ses commentaires. Il a assouvi leurs désirs à chaque instant.

Je garde le souvenir précis d'une dame, en particulier. Elle était venue en voyage organisé et disposait d'un budget de 400 dollars. Elle changea une première tranche de 100 dollars en jetons de 5 dollars. Sa première mise, perdante, donna le ton à toutes les suivantes. Elle fit changer un deuxième 100 dollars, puis un troisième, et finit par me tendre le tout dernier.

À peine trente minutes s'étaient écoulées depuis son arrivée. La dame me lança un regard désemparé : «Ça y est, j'ai encore huit heures à passer ici avant le départ et je n'ai plus un sou. Si je ne recouvre pas mes pertes, je ne pourrai pas payer les frais de la rentrée scolaire.» Elle avait les yeux humides et la voix nouée, mais elle se rendit tout de même au guichet automatique chercher de quoi se refaire.

L'argent n'a pas de valeur

Tranquillement, mes clients modifiaient toutes mes perceptions sur les casinos, mais aussi sur l'humain. Ils n'étaient pas des gens heureux en train de se divertir dans un majestueux décor, mais des caricatures grossières de l'obsession. J'étais fascinée par ce que je voyais. Même l'attitude des gagnants était à ce point en décalage avec celle qu'ils auraient dû avoir, que ma fascination n'était pas un émerveillement, mais bien une curiosité hypnotique.

Un soir, un monsieur d'une trentaine d'années sautait d'une machine à sous à l'autre dans la section V.I.P. où je me trouvais, section où chaque coup de manivelle peut coûter jusqu'à 500 dollars. Il est donc facile d'imaginer l'énormité de la somme que ce client pouvait avoir engloutie en l'espace d'une seule petite heure. Soudain, des lumières se mirent à clignoter, le son strident de la machine qui «paye» retentit, et les autres joueurs se confondirent en félicitations, verts de jalousie. Le monsieur accueillit la préposée, qui lui confirma son gros lot de 25 000 dollars.

Il fallait quelques minutes pour effectuer les formalités et rédiger le chèque, mais, pendant ce temps, il continuait à appuyer nonchalamment sur le bouton «miser» de la machine d'à côté. Je le regardais, incrédule. Espérait-il encore gagner? Les 25 000 dollars ne le réjouissaient-ils pas? Ne le contentaient-ils pas? Il sentit le poids de mon jugement se poser sur lui et me dit, droit dans les yeux: «Ça ne couvre même pas les pertes des deux derniers mois, alors, c'est bien peu pour me plaire. Le Casino me doit cet argent!»

Voici un autre exemple, celui d'un homme qui, à l'époque, était proche de moi. J'avais souvent l'occasion de le côtoyer à l'extérieur du casino et je me sentais la complice obligée de ses mensonges. Il venait parfois en cachette brûler ses économies et son chèque de pension à ma table. Parallèlement, il dépensait une moyenne de 300 dollars par jour dans les appareils de vidéopoker des bars de Québec. Cependant, il préférait de beaucoup le prestige illusoire qu'apportait la section des hautes mises et du salon V.I.P. Il ressentait alors une certaine puissance, le sentiment d'appartenir pour un moment au cercle restreint des gens riches. Le salon V.I.P. était une pièce fermée dont l'accès était réservé aux clients réguliers particulièrement lucratifs pour la maison. Ils pouvaient alors s'y réunir pour manger, boire et se pavaner.

Un jour, l'homme gagna un gros lot de 10 000 dollars. On le prit en photo, lui, sa compagne, le chèque et le directeur, sur la magnifique terrasse de l'établissement. Ce soir-là, les hôtes et hôtesses s'empressèrent de lui offrir un copieux repas afin de s'assurer qu'il ne s'éloigne pas et qu'il rejoue encore. La coutume voulait que son visage béat soit montré sur les écrans avec tous les autres «gagnants» du mois. Une petite douceur pour soulager son besoin de prestige. Tactique vieille comme le monde et pourtant extrêmement efficace. La coutume veut aussi qu'il redonne entièrement son gain au Casino en l'espace d'un été. Cet homme ne se rendit pas compte que l'image des V.I.P. était au fond bien triste, et que les sourires étaient rares. C'est ainsi qu'au bout de quelques années, il perdit toutes ses économies, son estime et sa compagne de vie.

Le vrai visage des gagnants

Enfin, un troisième exemple montre bien le vrai visage des gagnants (ainsi que la mécanique exponentielle de la dépendance au jeu). Il s'agit d'une famille typique: papa, maman et fiston, tous des adultes. Ils s'installaient à une table qu'ils accaparaient des heures durant. Je n'ai pas la moyenne de leurs mises, mais je peux affirmer une chose: le gros lot d'environ 100 000 dollars remporté par la maman ne suffit à couvrir ni les pertes passées ni les dépenses à venir. La bonne humeur ne dura que quelques heures. On continua à parier encore et encore au cours des semaines et des mois qui suivirent.»

«Si je ne recouvre pas mes pertes, je ne pourrai pas payer les frais de la rentrée scolaire», me lanca une dame au regard désemparé.

Les hôtesses s'empressèrent d'offrir un copieux repas à un gagnant afin qu'il ne s'éloigne pas et rejoue encore.

source le 10/03/2007 canoe.com le journal de Montreal


   
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